Interconnected in Culture for a Stronger Ecosystem

32 jeunes créatifs apportent un changement positif au monde arabe

16 / 6 / 2021

32 jeunes créatifs apportent un changement positif au monde arabe

Un groupe de 32 jeunes créatifs, individus et entités provenant de sept pays du monde arabe, jettent des passerelles entre la culture, la citoyenneté et les territoires locaux, grâce au soutien de All-Around Culture, un programme régional co-financé par l’Union européenne. L’une des composantes du programme, la Youth-Led Cultural and Civic Initiatives (YLCCI), qui a officiellement démarré en avril 2021, vise à accroître l’accès à la culture et à initier un dialogue interculturel à travers des projets artistiques communautaires, collaboratifs et mis en contexte.

12 juin 2021 – Plus de 377 candidatures ont été reçues en l’espace de deux mois seulement d’appel à projet ; la demande de support pour des projets culturels était donc indéniable. Des jeunes ayant entre 18 et 35 ans venant d’Algérie, d’Égypte, de Jordanie, du Liban, du Maroc, de Palestine, de Tunisie et de la diaspora libyenne et syrienne se sont précipités pour soumettre leurs projets créatifs en vue d’entrer dans la sélection du YLCCI.

 

« Le YLCCI a répondu à une réalité que nous avons pu esquisser à partir des évaluations des besoins et des leçons apprises des programmes précédents », explique Mohab Saber, le coordinateur de All-Around Culture, le programme qui sert d’ombrelle au YLCCI, ajoutant : « Notre objectif principal consiste à favoriser un écosystème culturel vital, spécialement dans les régions défavorisées, et à nourrir la diversité et le dialogue entre l’ensemble des acteurs culturels de la région. »

 

Implémenté par l’association tunisienne L’Art Rue qui opère dans le cœur de la médina de Tunis, le YLCCI est conduit par la conviction que la culture et la citoyenneté vont main dans la main pour provoquer un changement durable.

 

« L’action culturelle – dans son sens large – constitue l’essence de notre association. Nous croyons vraiment dans le pouvoir des connections entre les hommes et de la sensibilisation créative pour provoquer un développement socio-économique et un changement positif », explique Camille Hoeltzel, chargée de la surveillance et de la coopération de projets à L’Art Rue.

 

L’association a sélectionné 32 projets provenant du bassin diversifié de l’architecture, de la géographie, des productions audio-visuelles, de la mode durable ou des propositions d’écriture créative, qui mettent l’accent sur la collaboration, la contextualisation et la durabilité.

 

« Repenser, recadrer et refaçonner » : une phase de recherche contextuelle nécessaire

 

« Plutôt que de nous limiter à distribuer des subventions, notre objectif consiste à soutenir réellement et à renforcer les jeunes esprits créatifs de la région en leur donnant le temps et les moyens pour faire naître des projets durables et collaboratifs qui sont profondément enracinés dans leur contexte et environnement », explique Camille.

 

À travers une approche unique en deux phases – une allocation de recherche qui s’étend d’avril à octobre 2021 et une phase de production qui débute en 2022 –, YLCCI vise à renforcer des jeunes venant des sept pays sélectionnés du monde arabe pour construire des projets créatifs de A à Z.

 

« Ces ressources leur donnant l’opportunité – en passant par le temps qui leur est accordé, le support technique et la guidance, aussi bien que la subvention – de réfléchir, façonner et produire les projets qui pourront avoir le plus grand impact sur leur communauté. C’est pourquoi la phase de recherche est indispensable », souligne Camille.

 

Ce point de vue est fortement appuyé par les participants, qui se plaignent du manque d’attention accordé à la recherche théorique dans la région. Mohsen Bchir, un brillant Tunisien de 27 ans sélectionné pour son projet photo documentaire sur l’environnement, « Thirst Republic », explique : « Il n’existe pas beaucoup de programmes qui fournissent du soutien durant la phase de recherche, bien que ce soit la phase la plus cruciale. »

 

Deux mois seulement après le coup d’envoi, Mohsen affirme avoir « repensé, recadré et refaçonné son projet entièrement ».

Mais Mohsen n’est pas étranger à l’adaptation : ingénieur biologique de formation, le jeune Tunisien a passé presque trois années aux États-Unis, dont deux dans un master en Beaux-Arts à la Washington State University. « J’ai toujours aimé combiner techniques et technologies, spécialement celles que l’on s’attendrait le moins à voir ensemble comme la biotechnologie et la photographie ou la microbiologie, la technologie audio et la réalité augmentée. »

Avec « Thirst Republic », Mohsen veut attirer l’attention du grand public et des décideurs sur les défis de l’eau auxquels doivent faire face les habitants de Nefza, un village retiré du nord de la Tunisie, à travers un documentaire photo combinant art, microbiologie et réalité augmentée.

 

« Quand j’ai visité les différents villages autour du barrage de Nefza, j’ai réalisé combien leurs réalités et leurs besoins étaient différents de ce que j’imaginais. Le fait d’avoir le temps – et l’argent – pour interagir véritablement avec les habitants m’a réellement aidé à affiner ma recherche et la pousser plus loin. »

 

De même, les artistes marocaines Imane Djamil et Fatine Arafati admettent que la proposition de projet qu’elles avaient soumise en décembre 2020 a considérablement avancé et qu’elle est « à 180 degrés de ce qu’il nous en reste dans l’esprit aujourd’hui ».

 

« Nous sommes arrivées à Tarfaya [une ville côtière dans l’ouest du Maroc] avec une idée très spécifique – un festival d’art du son dans les ruines du vieux port – pour réaliser seulement alors à quel point elle était inappropriée à la réalité du site », se souvient le duo.

 

Après de longues discussions avec leurs amis d’ici et leurs familles, ainsi qu’une rencontre inattendue mais heureuse avec le ministre de la Culture sur un vol pour Tarfaya, Imane et Fatine ont reconçu leur projet afin qu’il puisse mieux servir la communauté et le pays dans son ensemble. Effectivement, elles projettent aujourd’hui d’utiliser leur petite histoire comme un événement inaugural pour un projet bien plus ambitieux : participer à l’enregistrement de la ruine du vieux fort au titre d’héritage officiel du ministère de la Culture.

 

« En fait, sans ce temps de recherche, on aurait gaspillé tant d’argent sur quelque chose de bien moins efficace ! », s’exclame Imane.

L’importance accordée à la phase de recherche s’inscrit aussi dans le but de cette initiative : renforcer les fondations de l’infrastructure culturelle de la région. « La région MENA a été secouée par beaucoup d’instabilité et d’agitation ces dernières années, et le programme All-Around Culture est notre manière de contribuer à une infrastructure viable, forte et enracinée localement pour soutenir la culture, quoi qu’il advienne », explique Mohab.

 

« Nous voulons équiper des individus, des alliances et des entités existant localement avec les outils nécessaires pour construire – et rendre durable – un écosystème culturel et dynamique qui perdurera au-delà de la durée du programme. »

 

Interroger l’identité à travers les réalités territoriales

 

L’opportunité de coopérer avec de jeunes collègues de l’autre côté des frontières était particulièrement importante pour Moayed Abu Ammouna, professionnel de la communication et du cinéma vivant en Palestine. « Ce programme a aidé à créer un environnement vibrant et fertile pour nous tous, jeunes artistes et travailleurs culturels, pour réaliser nos projets et échanger des expériences. Je pense que ceci va beaucoup contribuer à amener du changement, à la fois à notre niveau local et dans de plus larges contextes. »

 

Son projet « Taarikh » explore la situation toujours à l’ordre du jour des Palestiniens avant et après 1948, à travers une série de films jouant avec les concepts entremêlés d’histoire et d’identité palestinienne et les contextes créatifs contemporains.

 

« J’espère que ce projet pourra offrir des solutions potentielles à la problématique présente, que celles-ci pourront par la suite être appropriées et adoptées par les communautés locales », exprime Moyaed, formulant l’espoir que l’usage qu’il fait des arts visuels puisse aider à accroître l’éveil et l’intérêt sur la crise.

 

Ce questionnement de l’identité à travers les réalités territoriales préoccupe tous les participants dont les projets sont lourdement ancrés dans des contextes locaux.

 

Pour Toni Geitani, réalisateur primé et artiste audio-visuel travaillant sur une série télé portant sur le Liban de l’après-guerre, « ceci est la seule vraie manière de créer ». « En vue d’être vrai vis-à-vis du contexte et de l’environnement dans lequel je vis, je dois parler de quelque chose qui me touche… quelque chose qui m’appartient. »

 

« En tant que Libanais né en 1992, j’ai été constamment confronté à des histoires à propos de la guerre civile », se souvient-il. « Bien que je ne l’aie pas vécue, on m’a servi des centaines et des centaines de récits. Mais je n’ai jamais pu trouver des histoires sur la génération de l’après-guerre : ma génération. »

 

C’est pourquoi il a décidé de raconter non seulement son histoire à lui, mais « la grande histoire ». « J’aime vraiment l’art qui diverge, pas celui qui converge. Alors que ça commence avec mon entourage, ça peut se transformer en quelque chose de vraiment universel », conclut Toni.

1+1=47 ou le pouvoir de la collaboration

 

« Soyons honnêtes : en tant qu’artistes, nous n’avons littéralement aucune idée de la manière d’organiser un festival, ou d’évaluer les aspects architecturaux requis d’un site pour que celui-ci soit enregistré comme faisant partie de l’héritage du pays… »

 

Avec une sincérité flagrante, les mots de Imane et de Fatine reflètent avec précision le besoin pour la guidance technique, l’accompagnement et les phases de mise en réseau du YLCCI. « Dès le départ, nous étions confrontées à des problèmes techniques très concrets pour lesquels nous avions besoin de support mais aussi de réconfort », les deux jeunes de 25 ans poursuivent, notant que le fait d’avoir un réseau de jeunes collègues pour pouvoir échanger « aide vraiment ».

 

Le YLCCI met ensemble des jeunes de contextes – à la fois géographique et professionnel – très différents. « Tandis que certains sont des professionnels bien établis, d’autres n’avaient même jamais formulé une proposition de projet », explique Camille, disant que « c’est ce qui fait la beauté de la chose. »

 

Sur une durée de trois mois seulement, les participants sélectionnés ont échangé des conseils, des expériences antérieures et des idées pour une future collaboration. Pour Mohsen, cette possibilité de mise en réseau avec de jeunes collègues arabes est très motivante. « Contrairement à ce que tout le monde pense, nous n’avons pas souvent la chance d’interagir avec d’autres jeunes de la région, bien que nous ayons tellement de choses en commun. »

 

Partageant fièrement sa devise « 1+1=47 ! », il explique : « Je crois profondément dans les synergies. Vous pouvez être absolument génial, mais si vous collaborez avec d’autres, le résultat ultime est démultiplié. »

 

« Chacun de nous est un microphone. Ce que j’apprends du groupe, je peux ensuite le partager avec mon propre groupe : ma famille, mes amis, mon entourage. Et créer de puissantes répercussions. »

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All-Around Culture est un programme collaboratif et interconnecté de quatre années dont le but est de favoriser un écosystème culturel vital ainsi qu’un environnement actif pour une inclusion économique et sociale de jeunes dans sept pays à travers le monde arabe. Le programme est co-financé par l’Union Européenne sous le domaine « Partenariats internationaux », Programme to Support Youth and Culture in the Southern Neighbourhood.

 

All-Around Culture est constitué de 5 composantes réalisées sur une période de 4 ans. Le Youth-Led Cultural and Civic Initiatives constitue l’une de ces composantes mise en œuvre par L’Art Rue. L’Art-Rue est une organisation à but non lucrative créée en 2006 au cœur de la médina de Tunis. Elle travaille à fabriquer des espaces artistiques et à concevoir des projets artistiques et citoyens avec et pour les populations du territoire, comme vecteur de développement social, économique et éducationnel.

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